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Lagos, Vincennes, et puis

Lagos, Vincennes, et puis

« Lagos est une très grande ville, une belle ville. Il y a Abuja aussi. Je suis la plus jeune d’une famille de neuf enfants. Mon père est mort.

Je ne suis pas partie du Nigéria en avion. Mais d’abord par la route, et ensuite un bateau, l’Italie, et un train pour la France. J’ai eu très peur sur le bateau. La mer que tu vois est si immense. Je n’ai rien vu en France. Je suis arrivée il y a un mois. Je ne connais pas Paris. Seulement ma chambre et le bois. Je veux rester en France. Je n’aime pas ce travail au bois. J’ai froid. J’attends des heures. Je voudrais trouver un autre travail.

Je parle la langue des Gbagyi et aussi le yoruba.

Je suis au bois chaque jour. Chaque jour, sans jour de repos. De dix heures du soir à cinq heures, cinq heures trente du matin. J’ai froid. Ensuite je rentre chez moi. Je prends mon bain, je mange un peu, et je dors. Nous vivons à deux dans la chambre, avec une copine. Je mets de la musique africaine quand je suis triste, et ça va mieux.

Je dois rembourser l’argent. Mais il n’y a pas de clients. Très peu. Parce qu’il y a trop de filles ici je crois. Je rentre souvent sans argent. Je ne connais pas les autres filles. Seulement ma copine.

J’ai vingt ans. Je parle très bien anglais. »

Route de la Pyramide, bois de Vincennes, nuit d’août 2015