le coryphée des cyclistes du bois
L'enregistrement sonore du texte de Stéphane Olry, dit par Hubertus Biermann, pour les Habitants du bois en 2017 au Théâtre de l'Aquarium, puis pour les Promenades dans le bois de Vincennes, en 2020 dans le cadre de l'Été particulier de la Ville de Paris, avec Corine Miret, Cécile saint Paul, Stéphane Olry, Johnny Lebigot, Luc Jenny.
Le coryphée des cyclistes :
On est les cyclistes
On tourne
Sur nos petites reines
On tourne
Sur l’anneau cyclable
On roule en peloton
On ne rechigne pas à l’effort
On pousse sur les pédales
On met les grands braquets
On n’aime pas les feignasses
Faut pas faire chuter notre moyenne
Sinon à quoi ça sert
De venir dés potron-minet
Quand on a la buée aux lèvres
Et le givre sur les sourcils
On vient de Belleville, de Villejuif
De la butte au cailles ou de Rungis
On ne vient pas pour rigoler
On vient pour pédaler
On vient compter le temps
Tours complets ou temps intermédiaires
On accumule les cycles
Autour de l’anneau cyclable
Autour du soleil
On n’a pas de temps à perdre
On a déjà brûlé cinq milliards d’années
Pour en arriver là
Plus que trois milliards d’années
Avant l’extinction des feux
S’agit pas de se laisser aller
En roue libre
Quand le sprint final se profile
On est les cyclistes
On pédale entre potes
Comme accoudés au comptoir
On converse, on papote
Mais l’œil aux aguets
Car si un petit jeune
(Il y en a qui viennent
Si, si, vous verrez !)
Tel une comète
Tente une échappée
On sait se mettre dans le dur
Par aller le rechercher
L’absorber, le digérer
Dans notre tiède peloton
On est les cyclistes
Le dimanche on ne vient pas
Les cyclistes qui viennent le dimanche
Ce ne sont pas des cyclistes
Les cyclistes qui viennent le dimanche
Sont des cyclistes du dimanche
On enlève nos cale-pieds
A la pompe à eau
Du carrefour de la Pyramide
On commence là aussi
Si vous voulez nous voir debout
C’est là qu’il faut aller
Sur l’anneau cyclable
On tourne sans arrêt
Les nuits d’été
Certains tournent sans désemparer
On est des cyclistes
On n’est pas immortels
On n’est pas des machines
Des fois, dans nos corps
Il y a un truc qui se grippe
Un cycliste est parfois
Moins régulier dans son entrainement
Il vient certains jours
Et d’autres non.
Ce n’est pas bon signe
Même quand on enterre nos épouses
On est le lendemain sur l’anneau
Tant qu’on tourne sur l’anneau
C’est qu’il y a de la vie
C’est qu’il y a de l’espoir
Un cycliste qui vient moins
C’est un cycliste qui ne viendra plus
Un cycliste qui ne vient plus
C’est un cycliste qui est mort
Voilà pourquoi on déteste
Nous autres les cyclistes
Tout se qui interrompt notre effort
Les passants, les chiens, les gamins
Qui traversent n’importe comment
Les bobos en vélib
Qui roulent à contresens
Les joggers qui ne restent pas à leur place
Les forestiers qui élaguent les arbres
Et les cantonniers qui réparent l’anneau
On aime ce qui roule
On aime ce qui tourne
Sans jamais s’arrêter
On aime ce qui est immuable
Comme le soleil
Les saisons
Et l’anneau cyclable