Présentation. La lecture, ce vice impuni.
Croire – Donner plus qu’on ne reçoit.
Recevoir les mots et donner des actes. Paul Valéry
Cheminement
Rien ne m’avait préparé particulièrement à une entreprise de ce genre… Émile Littré
Nous non plus, rien ne nous avait préparés à une entreprise de ce genre. Rien ? Et le cycle de notre Salon de lecture consacré aux Savoir-vivre à la Villette ? Et nos deux ateliers de lecture au théâtre de l’Aire Libre et au théâtre Garonne consacrés à la Genèse pour l’un et à la Guerre pour l’autre ? Certes, mais c’est le travail têtu sur la causerie d’Émile Littré intitulée « Comment j’ai fait mon dictionnaire de la langue française » qui initia réellement le projet qui est le nôtre aujourd’hui.
Nous y consacrâmes de longs temps de répétition, d’adaptation et de réflexion avant de comprendre que, plus que le texte de Littré, plus que la vie d’austérité à bâtir ce monument de la langue française, plus que l’œuvre elle-même, c’est le processus de travail du lexicographe qui nous fascinait.
Recueil d’exemples, classification, écriture, imprimerie : à tout instant le désir nécessairement classificateur du lexicographe se heurte à la vie de la langue, aux aléas du travail, aux vicissitudes historiques. Par ailleurs, l’idée d’édifier une œuvre presque anonyme, sans récit, sans dramaturgie, et dont chacun peut s’emparer librement n’était pas sans nous séduire.
Donc, plutôt que de chausser des lorgnons, de nous coller une barbe postiche et de jouer la « Causerie du 20 mars 1881 » d’Émile Littré, nous avons eu le désir de lancer la production non pas d’un dictionnaire, mais de notre bibliothèque idéale, une bibliothèque où les textes sont incarnés par des interprètes, puisque -contrairement à Littré « Homme de cabinet »- nous sommes pour notre part ce qu’il est convenu d’appeler des « Hommes de théâtre ».
De l’expérience de nos précédents spectacles ou Salons de lecture nous avons ressenti de la part des spectateurs un grand désir de témoigner de leur vie, mais aussi de participer au spectacle. Nous prenons acte de cette évolution des relations entre les artistes et les spectateurs et tentons d’en donner une traduction pertinente dans notre champ de compétence.
Ce désir de partage s’accompagne d’un corollaire : puisque que nous souhaitons établir une relation si ce n’est égalitaire au moins égale avec les spectateurs et intégrer ceux qui le souhaitent dans l’équipe artistique de notre projet, nous nous interdisons de porter un jugement qualitatif (social, culturel ou artistique) sur ce qu’ils lisent. Nous décidons donc de nous intéresser non pas à ce qu’ils lisent, ou pourquoi ils lisent, mais à comment ils lisent. Que la lecture porte sur des bandes dessinées ou de la philosophie, peu nous importe. Ce que nous partageons tous, c’est le geste de prendre un livre, de le feuilleter, de se plonger dedans, de s’en extraire, de le ranger. Au reste, l’expérience est facile à faire : autour d’une table si vous lancez par exemple le sujet « comment rangez-vous vos livres ? », la discussion s’enclenche immédiatement. Enfin, l’intensité mise dans la lecture n’est en rien proportionnelle au nombre de livres, ni même à leur qualité : des gens qui ne possèdent chez eux qu’un dictionnaire et un livre de cuisine témoigneront parfois de façon aussi pertinente de l’intensité de la lecture qui est la leur de ces deux livres qu’un universitaire de ses lectures érudites.
Nous avons conçu un questionnaire sur les pratiques de lecture en sept points auquel nous nous sommes soumis. Le résultat nous a semblé suffisamment probant pour le valider, et envisager d’élargir le processus de l’enquête à d’autres lecteurs.
Comment recueillir la parole qui nous sera confiée, l’écrire, la classer, la distribuer, l’interpréter, voilà les questions que nous nous sommes posées avant d’élaborer le processus de travail décrit dans les pages suivantes.
Qui fait quoi
Pas de déjeuner ; mais force cigarettes ou pipes fumées en travaillant ! Pas un moment de flânerie, si ce n’est aux instants de ma visite bi journalière, où l’on causait un peu de ce qu’il fallait faire : ah ! que c’était amusant ! Et les modèles qui posaient parfois là-haut… ! Charles Garnier
Conception, écriture, mise en scène
Xavier Marchand & Stéphane Olry
Scénographie :
Mathias Poisson
Avec :
Xavier Marchand
Corine Miret
Pascal Omhovere
Stéphane Olry
Mathias Poisson
et des lecteurs amateurs
Administration:
Ana da Silva Marillier
Durée :
Deux heures trente
Production :
La Revue Éclair/Lanicolacheur dans le cadre de la résidence de La Revue Éclair au Château de La Roche-Guyon.
La Revue Éclair est conventionnée par la Drac IDF, et par la Région Ile-de-France.