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10 août 2015 Mon exécution

Je pourrais ne pas noter ce rêve dans ce blog consacré au bois de Vincennes, et à ses habitants. Mais, c’est un requiem auquel nous œuvrons depuis le début de l’été, et donc, rien de ce qui est funèbre ne m'est plus étranger. main stephane aquariumpoursite

Si nous avons été rassemblés dans cette cour de lycée climatique, devant ce bâtiment des années 50, sous une falaise de rochers blancs, dans ce centre de rétention baigné de soleil en ce jour de printemps, c’est pour y être exécutés.

Aujourd’hui, ce matin même, je serai exécuté. J’en suis le premier surpris. Il me semble que ma vie doive ce matin s’arrêter ainsi sur cette mauvaise surprise que me réserve le pouvoir, et sur une vie inachevée, tronquée, peu satisfaisante au regard de ce que j’en espérais.

Nous sommes un certain nombre à devoir être exécutés. La question est justement de savoir qui sera exécuté en premier. Un haut parleur annonce qu’un premier groupe sera appelé sous peu. Je crains qu’avec le son crachoteux, grésillant du haut-parleur, je ne parvienne pas à entendre mon nom dans la liste et donc de rater mon exécution.

Parmi les condamnés, je retrouve Hervé. C’est bien là la preuve de l’arbitraire qui a présidé aux jugements. Je comprends que le pouvoir se soit lassé d’un mauvais esprit semblable au mien. Sans doute à sa place me serai-je condamné moi aussi.

Mais Hervé ? Quel attentat, quel complot préparait-il, si secret que jamais je n’aurai soupçonné Hervé d’en même caresser le désir ? Je me réjouis cependant de sa fraternelle présence. Je lui tape sur l’épaule pour lui manifester ma solidarité. Il m’annonce, fataliste, qu’il sera exécuté par mi les premiers. Pourquoi Hervé bénéficie-t-il de ce privilège ? Et d’ailleurs, est-ce un privilège d’être exécuté en premier ?

J’ai beaucoup de monde à voir avant mon exécution. Mon frère, ma sœur, beaucoup d’amis sont venus me voir avant mon exécution. J’ai peur de pleurer. La journée peut-être longue et je sais que je risque de passer par des états divers. De tomber en extase devant un rayon de soleil dans la poussière de la cour. De m’émerveiller que ce matin encore, je ne travaillerai pas.

Je me dirige vers le buffet que mon frère et ma sœur ont préparé sous un auvent de béton pour pique-niquer avec tous mes amis rassemblés là.

C’était donc si peu de chose, ma vie finalement ? Un objet si fragile qu’on peut briser comme ça, sur une simple signature administrative ? Évidemment, je me serai préféré un destin plus grandiose. Mais en même temps, je songe en marchant, que cette vie absurde, fragile, limitée à une taille normale, moyenne, à l’image de mon corps me convient bien.

Je ressens, je dois l’avouer, une forme d’orgueil dans cette fragilité, et constate que pour autrui, ce devait être ce qu’il y avait de plus aimable en moi.

Mais aussi, je me reprends et me dis que s’il y a un moment où je ferai bien de ne pas m’apitoyer sur moi, c’est bien le jour de mon exécution.