Skip to main content

Un buisson d’obscurité protecteur

Je suis entrée dans le bois de Vincennes comme dans un refuge. Un buisson d’obscurité protecteur. Dans Paris, entre chien et loup, dans les cafés les consommateurs étaient rassemblés sous les télévisions comme lors d’une finale de l’équipe de France. BFM TV et TF1 diffusaient les mêmes images un peu floues d’un immeuble de bureau dans une zone industrielles, et aussi celle de l’entrée d’un Hyper Casher, rue de Paris à Vincennes. Les flics portaient  des gilets pare-balles et des pistolets-mitrailleurs sur la poitrine. Leur barrage fermait le pont de la porte de l’avenue Courteline. Le périphérique, bloqué plus loin était vide. La fliquesse a commencé par me dire : n’avancez pas plus loin. Restez à dix mètres pour me parler, monsieur.
J’ai trouvé un passage souterrain permettant de passer sous le périph sans aller jusqu’à la porte Dorée. J’ai ensuite enchaîné les sens interdits dans saint Mandé pour repartir en direction du bois. Le bois, comme je te l’ai dit, c’est avec soulagement que j’y suis parvenu. J’ai roulé dans la nuit. Les roues de mon vélo dans le sable discret des allées, les grands bras décharnés des arbres au dessus de ma tête. Dans le ciel tournait un hélicoptère. J’ai croisé dans l’obscurité une mère et sa fille promenant un chien blanc. Passez par l’allée de la Reine, m’ont-elles dit. C’est plus sûr. Nous le bois, on connaît, et puis on a le chien devant, comme il est blanc, on le voit bien. Prenez l’avenue de la reine, comme ça, vous pourrez pas vous perdre.


Photo Meggie Schneider

En suivant leurs indications, j’ai roulé sans encombre jusqu’au théâtre. L’hélicoptère volait bas. Au loin j’ai entendu une explosion, puis des détonations, comme les pétards d’une fête foraine. On traquait la bête égarée en ville. C’était l’hallali. Quand je suis arrivée, le théâtre était plongé dans l’obscurité. Le hall désert. J’ai trouvée Christelle seule à son bureau. La représentation avait été annulée. Personne n’aurait pu venir jusqu’ici, oui, évidemment.

Je suis reparti par les bois. Arrivée en ville l’atmosphère avant changée. Les flics levaient leurs barrages. Détendus, souriants, ils répondirent avec aménité à mes demandes d’itinéraire. Les groupes sous les télés s’étaient dispersés.

Boulevard Voltaire, les voitures de la fourrière commençaient à ventouser en prévision de la manif du dimanche